L’Homme qui marche de Christian Bobin “extrait”
Il marche. Sans arrêt il marche…On dirait que le repos lui est interdit… Rien ne se remet de son passage et son passage n’en finit pas.
… Tout ce qui peut être dit de cet homme est en retard sur lui.
Il garde une foulée d’avance et sa parole est comme lui, sans cesse en mouvement de tout donner d’elle-même…
Ce qu’il dit est éclairé par des verbes pauvres: prenez, écoutez, venez, partez, recevez, allez.…Il ne dit pas: aimez moi, Il dit aimez-vous.
… Il est doux et abrupt. Il brise, il brûle et il réconforte. La bonté est en lui comme une matière chimiquement pure, un diamant.
… Pris dans un chaos de désirs et de plaintes, serré par une foule qui se bouscule ses faveurs comme on voit des moineaux s’abattre en nué sur un seul morceau de pain…
Il dit qu’il est la vérité…la vérité n’est pas une idée, mais une présence. La vérité, il l’est par son souffle, sa voix…
Sa puissance à lui, c’est d’être sans puissance, nu, faible, pauvre— mis à nu par son amour….
Bien peu arrivent à suivre son pas. Une poignée d’hommes et quelques femmes…
Il annonce que là où il va, personne ne pourra le suivre et que ce n’est pas un abandon. Puisque “là ou il va” il sera avec la même bienveillance continuée pour chacun.